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Les anglicismes : en rire ou en pleurer

Un lundi matin, dans un coworking de l’Aube.

– Hello, quel week-end ! Over, mais alors overbooking !

– Je t’l’avais dit, si t’avais fait ton pense-bête pour magasiner, t’aurais pas cette tête de déterré.

– Tu veux dire, ma check-list pour le shopping ? T’y es pas. Samedi, on a fait un after-work avec le coach. La semaine de brainstorming était d’enfer et on a voulu fêter la réussite de la networking suite au think tank. Comme le benchmarking réalisé était au top, le business-plan a été boosté. Bref, ce fut une soirée open-bar.

– Oh ben quoi ! Et le service au volant comme la dernière fois ?

– Trop has been. En plus, avec le Smartphone, il y a eu des selfies pour faire le buzz. Bon, c’est pas tout, comme t’es le roi de la punch line, tu vas la rédiger la newsletter et comme challenge, après le breakfast. Deadline.

Il n’y a pas que la line qui est dead… moi aussi.

Cette saynète, petite pièce bouffonne, plutôt que sketch, est loin d’être une caricature. Ouvrons l’œil, tendons l’oreille, y compris sur des ondes culturelles. Nous constatons ce glissement sémantique voire ce pot-pourri, parfois si nourri que même des écrivains publics en perdent leur français. Et je cède aussi à cette pratique insouciante… Alors, avoir une belle-sœur et un frère québécois – ce qui est mon cas – permet de prendre conscience de ces abus. Il ne s’agit pas de folklore, mais du rappel qu’« une langue est un pays » (Jacques Attali).

La langue française permet, par l’existence des verbes « être » et « avoir », sa gamme de modes et temps, la subtilité de sa syntaxe, la richesse de son vocabulaire, d’exprimer une large palette d’émotions. Mais une langue, c’est aussi comme une mère : elle nourrit.

Par exemple, si M. Trump se laissait modeler par l’esprit du « gazouillis » pour s’exprimer, sa pensée pourrait être changée et ses propos devenir agréables. Enfin, quand les statistiques en France nous informent que seulement un Français sur cinq parle couramment l’anglais, on est en devoir de se dire que notre utilisation intempestive des anglicismes s’apparente à de l’esbroufe – quand on joue les fanfarons –, dit autrement, du bluff.

Des mots pour les écrire

Benchmarking = analyse de la concurrence ; Business-plan = plan d’affaires ; Check-list = liste de vérification ; Coach = entraîneur ; Coworking = cotravail ou bureaux partagés ; Drive-in = service au volant ; Driver = pilote ; Networking = mise en réseau ; Newsletter = infolettre ; Overbooking = surchargé ; Phishing = hameçonnage ; Podcasting = baladodiffusion ; Responsive = adaptatif ; Selfie = ego portrait ; Sketch = saynète ; Think tank = groupe de réflexion ; Tweet = gazouillis.

Sophie Gava, rédacteur-conseil